Un taureau ailé… le mythe ou la force du signifiant

Entendu sur France Inter, Pascal Butterlin, l'archéologue qui a dirigé les fouilles du taureau ailé de Khorsabad, en Irak.

Je prends le témoignage en cours et me demande de quoi il s’agit ? D’un animal ? D’un taureau ailé ?... Avant de saisir qu’on parle d’une statue. Mais le témoignage donne vie à cette pierre : l’«objet», un taureau avec des ailes et qui avait une tête d’homme, a eu de «multiples vies» et il porte encore les «stigmates» de cette vie multiple, «de sa fondation jusqu’aux événements les plus récents». Ce taureau ailé était un «génie protecteur», posé devant les passages, avec des «vertus magiques» : il protège le monde civilisé contre le monde barbare. Il protège le roi et la ville. «Ce taureau nous ouvre des fenêtres […] sur la ville elle-même qui n’a jamais été explorée».

Que faire de ce taureau ? «La tête du taureau a été découpée par des pillards dans les années 1990» et la grande ambition est de «réunir la tête et le taureau».

L’entretien de quelques minutes en dit long sur la force du signifiant : d’une statue de pierre, les mots en font un être vivant, avec ses cicatrices et ses vies. L’objet mythifié acquiert une nouvelle existence comme le mythomane, lorsqu’il réinvente une vie par le discours. Et cette vie, elle devient parfois réelle, vivante, portant les stigmates de cette existence.

Si l’objet mythifié – comme le sujet mythifié – a des vertus magiques, il a aussi ses propres limites : sujet/objet convoité ou rejeté, jouissant par la constitution du mythe d’un pouvoir surhumain, du moins est-ce le fantasme des hommes, il peut, à l’instar du taureau ailé de Khorsabad, perdre la tête.

Que peut la psychanalyse dans ce genre de situation ?

Freud avait proposé une analogie entre l’interprétation en psychanalyse et en archéologie : il s’agit de reconstruire une image d’un édifice à partir des traces qu’il en reste.

Quelle belle image que celle de ce taureau ailé qui tente de retrouver sa tête. Certes il restera un mythe mais il résultera, de ce travail de fouille, une image enfin réunifiée de lui-même.