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Les psychanalystes ne pensent-ils qu’à ça ?

  • gobbepsy
  • 16 nov. 2023
  • 3 min de lecture



Quand j’étais étudiant, il y avait un vieil enseignant de psychologie clinique qui s'était forgé une solide réputation. Nanti de sandalettes, qu'il portait hiver comme été, et d'une petite barbe blanche qui lui donnait l'air d'un nain de jardin, son œil semblait s’éclairer dès qu’il pouvait nous expliquer que tout se rapportait « à la chose ». Certains et certaines voyaient en lui un freudien pur et dur, insupportable, qui voyait ça partout !

D’où la question : les psychanalystes ne pensent-ils qu’à ça ?

Je suis donc allé voir dans un texte fondateur de la psychanalyse, un écrit de Freud[1] dans lequel la manière dont il aborde la chose met en lumière que ça apparaît bien avant la puberté. Nous sommes en 1905 et Freud défend l’idée que l’enfant, dès le plus jeune âge, est l’objet de pulsions : son corps éprouve ce qui s’apparente à de la sexualité. Ce seul propos mérite d’être souligné : il reconnait à l’enfant un corps sensible, quand la morale de l’époque ne lui reconnaissait ni plaisir ni souffrance.

Il y a donc, nous dit Freud, et ce dès l'enfance, des signes de pulsions précoces que les auteurs ont tendance à négliger. Dès les premières années de la vie ! Mais, précise-t-il, ces phases pulsionnelles chez l’enfant alternent avec des phases d'amnésie infantile – le traducteur précise qu'il faut entendre par là des phases d'oubli de l'enfance[2]. Ce sont des phases de latence. Il y a donc, au cours du développement de l'enfant, des moments où ça se laisse à voir, apparaît aux yeux de tous, lorsqu’à d'autres moments, des forces produisent un refoulement et maintiennent à l'écart de la conscience cette activité qui marque notre vie psychique. Ces périodes de latence constituent un endroit particulièrement passionnant. Freud précise :

« Par quels moyens ces constructions si importantes pour la culture et la normalité personnelle ultérieure sont-elles mises en place ? Vraisemblablement aux dépens des mouvements sexuels infantiles dont l'afflux n'a donc pas cessé durant cette période de latence elle-même, mais dont l'énergie – en totalité ou pour sa plus grande partie – est détournée de l'emploi sexuel et conduite vers d'autres finalités. Les historiens de la civilisation semblent unanimes à supposer que lorsque les forces pulsionnelles sont ainsi détournées de leur but sexuel et dirigées vers de nouveaux buts, ce qui est un processus qui mérite le nom de sublimation, on tire de cela de puissantes composantes de toutes les réalisations culturelles. Nous ajouterions donc que le même processus agit dans le développement de l'individu en tant que tel, et nous situerons son début dans la période de latence sexuelle de l'enfance. »[3]

 

Ce passage éclaire notre question : les psychanalystes ne pensent-ils qu’à ça ? C'est peut-être tout le contraire ! Car en mettant en lumière un triptyque, pulsion, inhibition et sublimation, Freud montre que c'est dans les périodes où les puissances psychiques barrent la voie à la pulsion que l'individu parvient à déplacer cette énergie pour en faire quelque chose. Il en fait quelque chose dans sa vie amoureuse qui ne passe pas nécessairement par l'acte sexuel ; mais il en fait aussi quelque chose dans sa vie sociale, quand ce déplacement lui permet de travailler, d'échanger, de créer, etc. Loin de ne penser qu’à ça, la psychanalyse tente de mettre en lumière et de comprendre la manière dont ça peut se déplacer. Ainsi, dans le cabinet de l'analyste, lorsque l'individu fait cette confidence – je n'arrive pas à… –, n’est-ce pas de ça qu’il s’agit ?


[1] Freud, Sigmund, La sexualité infantile [1905], dans Trois essais sur la théorie de la sexualité, Paris, Points, coll. Essais, 2012, p. 113‑166.

[2] Ibid., p. 116.

[3] Ibid., p. 122.

 
 

09 77 85 86 17 - 06 43 17 93 74 

Christophe Gobbé

Cabinet de psychanalyse

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