Lectures d'été

L'été est le temps des lectures, des découvertes, le temps d'ouvrir les livres empilés qui nous attendent. Parmi ceux-ci, un joyau, la Lettre ouverte à Freud que Lou Andreas-Salomé adresse au fondateur de la psychanalyse, témoignage remarquable et touchant qu'elle adresse à son maître en 1931.

"Rien ne me plaît davantage, quant à moi, que vous me teniez en laisse pour me guider - pourvu que la laisse ait une bonne longueur [...]. Car "près de vous", cela veut dire, pour moi, là où je vous sais toujours proche des profondeurs : au plus près."

Qu'on ne s'y trompe pas, ce texte est tout sauf la marque d'une soumission, mais le témoignage de l'amitié amoureuse d'une femme à un homme dont elle retrace la pensée, qu'elle commente, qu'elle critique, sans pour autant, comme le rappelle Marie Moscovici dans sa préface, rompre le lien qui les unit.

C'est donc la pensée d'une femme qui ose dire non, y compris à ceux qu'elle aime, que nous offre le livre. Si Lou Andreas Salomé retrace et nourrit la pensée de Freud de sa propre expérience d'analysante et d'analyste, elle laisse libre cours à sa propre parole, pour parler d'amour, de sexualité, d'homosexualité, du corps, de la possession, de la jouissance.

Parmi ces pépites, celle-ci :

"Bien qu'antiphilosophes, nous sommes destinés à faire de la philosophie, c'est-à-dire contraints de mettre en images ce que nous considérons intellectuellement et ce que nous vivons de l'intérieur, réalisant ainsi l'équilibre par l'interpénétration de la pensée et du sentiment."

Appréhender le réel par le symbolique, appréhender par les mots le désordre de notre vie, plutôt que la chose nous rattrape, toujours, malgré nous, comme nous en avons si souvent le sentiment intime. Ce qui se répète dans l'existence se redit dans le cabinet de l'analyste, jusqu'à ce que l'on en entende l'écho, c'est ça le cœur de ce que propose l'expérience de la psychanalyse.

Lou Andreas-Salomé, Lettre ouverte à Freud, [1931]. Seuil, coll "Points Essais", Paris, 1994.